L’abattoir relève de la religion en ce sens que des temples des époques reculées, (sans parler de nos jours de ceux des hindous) étaient à double usage, servant en même temps aux implorations et aux tueries.
Georges Bataille
Extrait de l’article « L’abattoir »
L e caractère violent du lieu, évident dans le nom qui lui est resté, est encore présent dans l’aspect massif du bâtiment, dans son sol déclinant vers des égouts centraux permettants autrefois l’écoulement du sang, dans ses impressionnantes structures métalliques suspendues au plafond et, évidemment, dans ses terrifiants crochets, ces esses qui y sont encore attachées.
Cette violence liée à la consommation alimentaire de l’homme, à la prédation, à sa relation aux espèces animales, fait écho d’une manière saisissante aux interrogations qui soutiennent ma démarche. Si on ne retrouve plus directement dans ce lieu des abattoirs cette violence originelle, première et frontale, elle nous apparait cependant sous forme de traces, et ce qui l’en reste confère à l’espace une forte tension. Ce sont aussi des traces ; des matériaux chargés, récupérés, bruts, des traits brisés, des images denses qui viennent, au-delà de leur violence, s’assembler dans mon travail.
Dans ce changement de statut extrême du lieu, dans ce passage de l’abject, de l’immontrable, à la recherche d’une beauté : l’Art ; dans ce basculement du fermé vers l’ouvert, de l’ancien usage de ses murs qui avaient fonction de cacher ce qui ne pouvait être vu, et qui maintenant viennent exposer, offrir au regard, enfin dans cette transformation se situe l’essence de mon travail.
Ici, fragments trouvés, déchets divers, matériaux de récupération et éléments intensément élaborés tendent à s’assembler, à s’harmoniser. Ce chemin emprunté vers la transfiguration se contruit alors dans mes pièces par ces contacts, ces superpositions, enfin dans ce volume qui se developpe au fil de l’acte de création.
L’exposition Au bord du silence, vol.3 est la plus ambitieuse qu’il m’ait été donné de présenter à ce jour, celle qui donne à voir mon travail sans compromis ni restriction et avec une cohérence dont je suis heureux et fier.